DES RÉVOLUTIONS DANS LA RÉPARATION DU COEUR
La chirurgie cardio-vasculaire a beaucoup progressé ces dernières années. Les gestes médicaux ont acquis une grande précision et les appareils sont plus performants. Afksendiyos Kalangos, médecin-chef du service de chirurgie cardio-vasculaire aux Hôpitaux universitaires de Genève revient sur les avancées de la discipline
Qu'il soit sur la main ou sur le bord des lèvres, qu'il soit serré ou qu'il batte la chamade, le cœur rythme notre vie – particulièrement en ce jour de Saint-Valentin. Organe essentiel du corps humain, qui propulse le sang oxygéné dans les vaisseaux, il peut se briser au sens propre comme au figuré. Les cardiologues et les chirurgiens ne s'occupent pas des maladies d'amour mais réparent la mécanique abîmée par les malformations, les dépôts de graisse ou l'usure du temps. Plus petits, plus autonomes, mieux tolérés, les traitements des maladies du cœur se sont nettement améliorés. Afksendiyos Kalangos, chirurgien cardiaque aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a été nommé en septembre 2014 président de la Société mondiale des chirurgiens cardio-thoraciques. Il est aussi le fondateur et président de l'association humanitaire Cœurs pour tous, qui soigne le cœur d'enfants dans une dizaine de pays. Il revient sur les innovations, en cours et à venir, de la chirurgie cardiaque.
Le Temps: Quelles grandes avancées ont eu lieu récemment dans la réparation du cœur?
Afksendiyos Kalangos: Ces dernières années, la cardiologie interventionnelle – qui effectue des gestes à l'intérieur du cœur sans opération chirurgicale – a progressé de manière spectaculaire. Des méthodes moins invasives ont été développées, comme la pose de prothèses pour remplacer les valves aortiques à l'entrée du cœur, grâce un cathéter inséré au niveau de l'aine. Les techniques pour déboucher et dilater les coronaires, les vaisseaux qui irriguent le cœur, se sont également améliorées. Parallèlement à cette évolution, les chirurgiens ont aussi rendu leurs gestes moins agressifs et plus précis en pratiquant de plus petites incisions et en s'appuyant sur l'endoscopie et l'utilisation de robots. La circulation extracorporelle (CEC) a elle aussi énormément progressé. Cette méthode consiste à prendre le relais du cœur et des poumons lors d'une opération à cœur ouvert qui nécessite d'arrêter la fonction cardiaque du patient. Les complications ont diminué, notamment grâce à l'utilisation de matériaux imitant le fonctionnement des tissus humains, et donc limitant les dégâts sur le métabolisme du corps.
– Quels sont les bénéfices de ces progrès pour les patients?
– L'imagerie, la CEC et les matériaux biocompatibles ont notamment permis d'améliorer la prise en charge des nouveau-nés pour la correction des malformations du cœur. Entre 4 et 12 enfants sur 1000 naissent chaque année avec une malformation. Le geste chirurgical a pu être miniaturisé pour opérer le plus tôt possible un cœur de la taille d'une noix et améliorer la qualité de vie. Aux HUG, nous opérons chaque année environ une vingtaine de cas locaux et 200 cas humanitaires d'enfants des pays en voie de développement.
– Comment pallier la pénurie de cœurs pour les greffes?
– Les assistants circulatoires ont connu un progrès spectaculaire et je pense qu'ils vont remplacer la transplantation pour les patients en insuffisance cardiaque. Le cœur a une fonction purement mécanique de pompage du sang. Les assistants circulatoires, petites pompes externes appelées VAD [Venticular Assist Device], sont reliés au cœur et se substituent à un ventricule ou aux deux quand ceux-ci ne se contractent plus pour faire circuler le sang. Ils sont devenus plus petits et l'autonomie des batteries a augmenté. Par exemple le système Heartmate donne une autonomie de huit heures au patient, qui doit cependant porter une lourde ceinture de batteries. Les VAD sont implantés dans trois cas de figure: pour attendre une greffe pendant plusieurs mois, voire des années, pour laisser le cœur récupérer d'une infection virale, ou comme thérapie ultime quand la greffe est contre-indiquée.
– Le cœur artificiel, comme celui développé par la société française Carmat, est-il une solution?
– Oui, tout à fait. Le système peut s'adapter aux variations corporelles et le problème énergétique est quasiment résolu. Je pense qu'à l'avenir, il y aura des cœurs artificiels de plus en plus petits avec des autonomies de plusieurs mois, voire années.
– Quels sont les enjeux de la cardiologie aujourd'hui?
– Nous devons élaborer un modus vivendi entre cardiologues interventionnels et chirurgiens cardiaques, c'est-à-dire créer des «équipes du cœur» multidisciplinaires pour décider quelle intervention réaliser sur le patient, sans conflit d'intérêts. Je pense qu'à l'avenir, les deux disciplines devront fusionner pour effectuer des gestes hybrides et précis. J'ai initié des discussions auprès de la Société mondiale des chirurgiens cardio-thoraciques pour mettre sur pied une formation unique mêlant cardiologie interventionnelle et chirurgie.
– Quelles sont les promesses d'innovation pour soigner le cœur?
– Elles se concentrent d'une part sur la sophistication des assistants circulatoires, et d'autre part sur la recherche fondamentale concernant l'utilisation de cellules souches embryonnaires. Ces cellules peuvent générer en laboratoire des cardiomyocytes, qui sont les cellules du cœur qui se contractent en permanence et constituent les deux ventricules. Le but ultime est de créer des lambeaux de muscles cardiaques fonctionnels censés remplacer les zones nécrosées du cœur chez les patients en insuffisance cardiaque.
http://www.primenfance.ch/news/revolution-reparation-coeur.html